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Le Président du Conseil des droits de l’homme dresse le bilan de cet organe devant la Troisième Commission

AG/SHC/4217
2 NOVEMBRE 2017

Réfugiés: les pays d’accueil demandent un partage plus équitable du fardeau

« Le monde est politisé, c’est l’évidence et on ne peut pas l’éviter »: c’est par ces mots que le Président du Conseil des droits de l’homme, M. Joaquin Alexander Maza Martelli, a répondu aujourd’hui aux délégations qui critiquaient la « politisation » de cet organe, à l’occasion de l’examen par la Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, de son rapport.

La présentation des travaux du Conseil durant l’année écoulée a permis à M. Maza Martelli de faire un tour d’horizon des situations des droits de l’homme dans le monde. Il a notamment mentionné le Myanmar, où le Conseil a décidé, en septembre, d’envoyer une Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur les violations présumées des droits de l’homme par les forces militaires et de sécurité et les abus dans le pays, en particulier dans l’État de Rakhine. Il est également revenu sur la situation en République arabe syrienne, qui fera l’objet d’une réunion de haut niveau lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme, en mars 2018.

Si les procédures spéciales et les mandats de pays du Conseil des droits de l’homme ont été de nouveau dénoncés comme relevant de la politisation et de la sélectivité par certaines délégations, M. Maza Martelli a pris soin de saluer le mécanisme de l’Examen périodique universel, que ces mêmes délégations citent toujours comme le forum idoine pour traiter des droits de l’homme sans risque de sélectivité. Qualifiant la procédure de « l’une des plus grandes réalisations du Conseil », il a estimé que la participation des États, « à 100% » au cours des deux premiers cycles de cet examen témoignait d’une « véritable célébration du principe d’universalité ».

M. Maza Martelli a rappelé que la contribution des droits de l’homme à la consolidation de la paix était au centre des débats du Conseil des droits de l’homme. Quant à la politisation, elle est un fait et il s’agit pour le Conseil d’accompagner ce fait, tout en protégeant les droits de l’homme, a-t-il estimé.

Par ailleurs, le Président du Conseil des droits de l’homme a insisté sur l’importance d’une participation active de la société civile et des institutions nationales des droits de l’homme, jugée « vitale » pour les travaux du Conseil.

Lors de la discussion, plusieurs délégations ont salué le rôle de la société civile mais se sont inquiétées des représailles menées à l’encontre des personnes qui collaborent avec les Nations Unies et notamment du Conseil. À l’origine de la résolution du Conseil de droits de l’homme sur cette question, la Hongrie a souhaité que les délégations puissent trouver un consensus. D’autres pays, comme la Suisse et la Lettonie, se sont demandé quels mécanismes les Nations Unies pouvaient envisager pour mettre un terme aux représailles.

Plus tôt dans la journée, la Troisième Commission avait achevé sa discussion générale sur le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, entamée hier. À cette occasion, plusieurs pays accueillant un grand nombre de réfugiés ont demandé un meilleur partage du fardeau qu’ils représentent.

Comme l’a rappelé l’Afrique du Sud, ce fardeau repose essentiellement sur les pays en développement, qui continuent de recevoir la majorité des déplacés. La Jordanie a ainsi déploré le poids « énorme » que la situation des plus de deux millions de réfugiés qu’elle accueille fait peser sur ses ressources, tandis que le Liban, pays qui, en proportion de sa surface comme de sa population, accueille le plus grand nombre de réfugiés au monde, s’élevait contre la « part disproportionnée » assumée par les pays à revenu faible ou moyen, souhaitant que celle-ci ne devienne pas une « nouvelle normalité ».

Si des États comme la République de Corée ont pu mettre en avant leur action nationale en faveur des pays d’accueil, de nombreuses voix se sont élevées pour appeler la communauté internationale à répondre collectivement au défi que représentent les réfugiés pour ces derniers. La Chine a ainsi mis l’accent sur la nécessité d’une augmentation de l’assistance aux pays en développement, afin de favoriser le retour des réfugiés dans leur pays d’origine.

Plusieurs délégations ont demandé que cette problématique soit prise en compte dans les pactes qui doivent être adoptés, en 2018, pour rendre opérationnels les engagements pris dans le cadre de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants. La Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge s’est félicitée du rôle joué en ce sens par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). L’Argentine s’est, elle, félicitée que le Cadre d’action global, annexé à la Déclaration, soit mis en œuvre dans plusieurs pays émergents pilotes.

Trois de ces pays pilotes se sont exprimés ce matin: l’Éthiopie, qui a fait observer que l’assistance humanitaire ne devait pas s’arrêter avec le processus de rapatriement et a plaidé pour un renforcement de la collaboration du HCR avec les acteurs du développement; l’Ouganda, qui a mentionné son « modèle ougandais » tout en expliquant qu’il ne saurait remplacer l’aide humanitaire conventionnelle; et la République-Unie de Tanzanie qui met en œuvre le Cadre d’action global en se concentrant sur les questions d’admission, de réponse d’urgence, d’inclusion, d’intégration locale de nouveaux citoyens et de rapatriements volontaires. La Chine, qui a noté avec satisfaction les résultats positifs de ces expériences pilotes, a souhaité qu’en soient recueillies les expériences et bonnes pratiques.

La Troisième Commission, qui a désormais achevé ses différents débats thématiques, se réunira de nouveau lundi 6 novembre à 15 heures pour étudier et adopter différents projets de résolution.

RAPPORT DU HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES POUR LES RÉFUGIÉS, QUESTIONS RELATIVES AUX RÉFUGIÉS, AUX RAPATRIÉS ET AUX DÉPLACÉS ET QUESTIONS HUMANITAIRES (A/72/12, A/72/12/ADD.1 ET A/72/354)

Suite et fin de la discussion générale

M. ALI (Pakistan) a déclaré que les déplacements humains actuels étaient à une échelle sans précédent, mentionnant spécifiquement les cas de l’Afghanistan et de l’Iraq. Pour répondre à la crise des réfugiés, tous doivent s’investir, a-t-il affirmé, avant d’expliquer que le Pakistan se montrait « particulièrement généreux », et ce, depuis des décennies. Ainsi, le Pakistan fournit aux réfugiés présents sur son territoire un accès sans obstacle aux soins de santé et à l’éducation, a déclaré le représentant.

Mme ELENE AGADZE (Géorgie) a salué les efforts incessants que déploie le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour réduire les souffrances des personnes déplacées dans le monde, avant d’ajouter que son pays faisait pour sa part tout son possible, « dans la limite de ses ressources limitées », afin de fournir un asile à ceux qui fuient pour sauver leur vie. La loi sur la protection internationale, récemment adoptée par le Parlement géorgien, renforce ainsi les mesures de sauvegarde et améliore la protection des personnes ayant le statut de réfugié, a précisé la représentante.

Mme Agadze a rappelé que la Géorgie était elle-même affectée par le problème des déplacements forcés à la suite de vagues successives de « nettoyage ethnique » dans les territoires occupés d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. En dépit des appels lancés par le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, des centaines de milliers de Géorgiens de souche ne peuvent jouir de leurs droits fondamentaux et ceux qui résident encore dans ces territoires sont menacés d’expulsion, a souligné la représentante. Pour ces derniers, des restrictions alarmantes sont en outre imposées par l’occupant russe à l’enseignement du géorgien et à la liberté de circulation, a poursuivi Mme Agadze. La représentante a estimé que les questions humanitaires concernant les déplacés géorgiens de souche, et notamment la question de leur retour, devraient être traitées dans le cadre des discussions internationales de Genève, auxquelles le HCR apporte son concours. Toutefois, a-t-elle encore déploré, ces pourparlers sont constamment politisés et entravés par les représentants de la Fédération de Russie.

M. YAO SHAOJUN (Chine) s’est félicité du bon niveau de coopération entre son pays et le HCR, estimant que la visite en juin dernier du Haut-Commissaire avait permis de renforcer cette relation de confiance. Notant avec satisfaction que le HCR a enregistré des résultats positifs dans la mise en œuvre par des pays pilotes du Cadre d’action global pour les réfugiés, le représentant a estimé que, s’agissant du pacte mondial en préparation, il conviendrait de traiter à la fois les symptômes et les racines du problème des réfugiés. Des efforts doivent être menés pour s’attaquer aux causes que sont l’instabilité sociale et le déséquilibre en matière de développement, a-t-il souligné, appelant à une augmentation de l’assistance aux pays en développement afin de favoriser le retour des réfugiés dans leur pays d’origine.

M. Yao a d’autre part souhaité que le HCR recueille les expériences et bonnes pratiques de projets pilotes menés dans le cadre de l’application du Cadre d’action global afin qu’elles servent de références pour l’élaboration du futur pacte mondial. Il a enfin demandé que, dans le traitement de la question des réfugiés, la communauté internationale respecte les principes d’objectivité et de neutralité, s’abstienne d’interférer dans les affaires internes des pays concernés et prévienne toute politisation ou détournement des mécanismes internationaux de protection des réfugiés.

Mme ALFASSAM (Koweït) a insisté sur le fait qu’il fallait s’attaquer aux causes profondes des déplacements et trouver les moyens adaptés pour que les réfugiés puissent retourner dans leur pays d’origine. Il faut notamment que la communauté internationale coopère avec le Haut-Commissaire pour trouver de bonnes solutions à la crise, a déclaré la représentante. Pour sa part, le Koweït a contribué à hauteur de plus de 2 millions de dollars en faveur des réfugiés, notamment d’Afghanistan et de Syrie, à travers différentes institutions internationales.

Mme SAMAR SUKKAR (Jordanie) a rappelé que son pays accueillait, selon les chiffres du HCR, plus de deux millions de réfugiés, dont beaucoup de Syriens, faisant de la Jordanie un des pays qui accueillent le plus de réfugiés au monde. Mais cette situation fait peser sur le pays un poids énorme et exerce une pression sur les ressources de la Jordanie, notamment l’eau, les services de santé, d’éducation ou même de gestion des déchets, sans parler des problèmes posés à la cohérence nationale, a dit la représentante, assurant toutefois de la volonté de son pays de continuer de fournir à tous ces réfugiés les services sociaux de base.

M. MARWAN FRANCIS (Liban) s’est élevé contre la « part disproportionnée » assumée par les pays à revenu faible ou moyen face à la crise des réfugiés, souhaitant que celle-ci ne devienne pas une « nouvelle normalité » mais reste une situation exceptionnelle nécessitant la mobilisation et la solidarité de l’ensemble de la communauté internationale. À cet égard, le représentant a demandé que les situations spécifiques de chaque pays soient prises en considération. Il a ainsi indiqué que, comme le prévoit sa Constitution, le Liban ne pouvait être un pays de réinstallation. La question du retour des réfugiés devrait, par conséquent, être traitée en priorité si l’on veut parvenir à des solutions durables, a-t-il plaidé.

M. Francis a, d’autre part, souligné qu’avec plus de 1,2 million de réfugiés syriens sur son territoire, auxquels s’ajoutent les quelque 400 000 réfugiés palestiniens qui vivent dans des camps depuis plus de 70 ans, le Liban demeure le pays accueillant le plus grand nombre de réfugiés au monde, tant par rapport à sa population qu’en fonction de sa surface. Cet afflux massif de réfugiés affecte mon pays à presque tous les niveaux, dépassant ses capacités déjà limitées et menaçant sa stabilité et sa sécurité, a-t-il insisté, réaffirmant l’impérieuse nécessité d’un changement d’approche au niveau mondial en matière d’assistance humanitaire.

Mme GABRIELA MARTINIC (Argentine) a déclaré que l’adoption de la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants et du Cadre d’action global pour les réfugiés avait marqué une étape importante dans l’action de la communauté internationale pour protéger et promouvoir les droits de ceux qui quittent leurs pays pour fuir le danger. À cet égard, l’Argentine se félicite de la mise en œuvre de ce Cadre global dans plusieurs pays émergents. Elle estime en outre que l’adoption d’un pacte mondial sur les réfugiés permettra de ne laisser personne de côté et d’éliminer les facteurs sous-jacents qui poussent les personnes à quitter leur foyer.

L’Argentine, qui s’est engagée à accueillir des réfugiés syriens à travers le « Programme Syrie », soutient aussi que la réalité impose aujourd’hui que l’on cherche et trouve des solutions pérennes, fondées sur le principe de la solidarité et des responsabilités partagées. À cette fin, l’Argentine accueillera des consultations qui doivent se tenir aujourd’hui et demain sur la mise en œuvre du Plan d’action du Brésil portant pour la coopération et la solidarité régionale pour le renforcement de la protection internationale des réfugiés, des personnes déplacées et des apatrides en Amérique latine et aux Caraïbes. Ces consultations permettront aussi d’évaluer les programmes d’asile de qualité et d’éradication de l’apatridie, a indiqué la représentante.

Mme MARINA IVANOVIC (Serbie) a rappelé qu’en matière de migration, la route des Balkans de l’Ouest avait été fermée, en 2016, après l’accord conclu entre la Turquie et l’Union européenne. Pourtant, le nombre de personnes restées sur les territoires de transit comme la Serbie dépasse les capacités de réception et de logement locales, a-t-elle fait observer. La Serbie demande donc l’adoption de solutions au plan mondial, car ce problème n’est pas limité par la géographie.

Mme Ivanovic a déploré que les communautés locales aient du mal à résister à la xénophobie. Elle a expliqué que la Serbie fournissait une aide appropriée aux réfugiés, comprenant des centres de réception, des crèches, des salles réservées aux mères et aux nourrissons, et même des ateliers créatifs et des cours de langue.

Mme Ivanovic a également rappelé que son pays avait une expérience en matière de personnes déplacées remontant notamment aux vagues de réfugiés venus du reste de l’ex-Yougoslavie durant les années 90 et en provenance du Kosovo depuis 1999. Elle a enfin rappelé que, 18 ans après que les entités internationales se fussent installées au Kosovo, à peine 5% des 200 000 personnes déplacées par le conflit sont retournées chez elles. Elle a donc souhaité que des solutions soient trouvées à cette situation.

Mme HWANG (République de Corée) a déclaré que la crise actuelle semblait dépasser les capacités de la communauté internationale et exigeait que la Déclaration de New York et l’adoption d’un pacte sur les réfugiés deviennent réalité, afin de trouver des solutions pérennes. Par ailleurs, la République de Corée estime que le HCR doit renouveler ses partenariats et que la communauté internationale doit aider les pays d’accueil à assumer le fardeau qui pèse sur eux. Pour sa part, la République de Corée est l’un des premiers contributeurs en matière d’aide humanitaire et d’assistance aux réfugiés dans le monde, a rappelé la représentante. La République de Corée est en outre le premier pays asiatique à avoir adopté une loi sur les réfugiés, en 2013, et elle met en œuvre des programmes de réinstallation depuis trois ans.

M. HARRISON W. MSEKE (République-Unie de Tanzanie) a indiqué que son pays, conformément à ses obligations internationales, avait maintenu « avec courage et détermination » sa porte ouverte à ceux qui fuient les persécutions. Ainsi, la République-Unie de Tanzanie accueille pour l’heure 318 397 réfugiés, en majorité originaires du Burundi et de la République démocratique du Congo. Or, a déploré le représentant, l’aide de la communauté internationale va en s’amenuisant, ce qui oblige le Gouvernement tanzanien à puiser dans ses maigres ressources pour faire face à la situation.

Rappelant par ailleurs que la Tanzanie s’était portée volontaire, en novembre dernier, pour piloter localement le déploiement du Cadre d’action global pour les réfugiés, M. Mseke a indiqué que cette mise en œuvre se concentrait sur les questions d’admission, de réponse d’urgence, d’inclusion, d’intégration locale de nouveaux citoyens et de rapatriements volontaires. En conclusion, il a demandé le soutien de la communauté internationale pour l’intégration locale des réfugiés burundais ayant obtenu la citoyenneté tanzanienne et pour les levées de fonds assurées par le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), afin de financer le programme de rapatriement volontaire des réfugiés burundais présents sur son territoire.

M. IHOR YAREMENKO (Ukraine) a expliqué que son pays faisait face à un immense défi humanitaire lié à « l’agression hybride » de la Fédération de Russie, qui a provoqué des millions de déplacés en Ukraine, dont 70% sont des femmes. Le représentant a également mentionné que les personnes déplacées en Ukraine étaient les plus nombreuses en Europe, parlant de 1,8 million de personnes déplacées dans l’est du pays, dont 70% sont des femmes âgées et des enfants.

M. Yaremenko a déclaré que seulement 28% du financement du plan en faveur de l’Ukraine avait été assuré. Il s’est félicité de la visite du Haut-Commissaire, en novembre 2016, dans le pays et a insisté sur la nécessité d’une plus grande coopération concernant les efforts humanitaires et le développement. M. Yaremenko a ensuite déclaré que la situation humanitaire en Ukraine s’était aggravée, notamment dans le Donbass, l’assistance étant « entravée par les autorités dites locales appuyées par la Russie ». Le représentant a enfin condamné la Fédération de Russie qui envoie des convois de plusieurs kilomètres de long « sans respecter la législation ukrainienne » et ne laisse pas l’Ukraine inspecter ces convois présentés comme humanitaires. Or, les convois russes sont, au retour, pleins d’équipements volés en Ukraine, a-t-il accusé.

Le représentant de l’Afrique du Sud a dit être préoccupé par les chiffres donnés par le HCR sur les mouvements de déplacés. En tant que signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de la Convention de l’Organisation de l’Unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique de 1969, l’Afrique du Sud assume ses responsabilités et accueille des réfugiés, qui peuvent par ailleurs librement circuler. Mais l’Afrique du Sud déplore que le fardeau de cette tâche repose essentiellement sur les pays en développement, qui continuent de recevoir la majorité des déplacés. Il serait donc utile que le Cadre d’action global pour les réfugiés aide à alléger ce fardeau, a dit le représentant, ajoutant que son pays avait présenté hier ses vues sur les différents aspects de cette question.

Mme SUPATTRA AUEAREE (Thaïlande) a déclaré que la question des réfugiés et déplacés, observée dans toutes les régions du monde, exigeait, plus que jamais, un engagement continu et des efforts pour trouver des solutions pérennes, tout en fournissant une protection appropriée sur le terrain. La Thaïlande, qui suit de près les discussions actuelles sur les deux pactes mondiaux portant séparément sur la migration et sur les réfugiés, estime que ces deux instruments se complètent et peuvent aider à trouver des solutions à cette situation complexe. Elle est heureuse d’accueillir les réunions préparatoires pour le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, organisées par la Commission économique et sociale pour l’Asie et le Pacifique (CESAP). En tant que membre du Comité exécutif du HCR, la Thaïlande soutient le Cadre d’action global pour les réfugiés, salue les pays qui ont commencé à le mettre en œuvre et encourage les donateurs à envisager des contributions à ce Cadre.

Sur le plan national, la représentante a indiqué que, l’an dernier, son pays avait aidé, à travers un projet pilote, au retour volontaire de 71 déplacés au Myanmar. La prochaine étape devrait toucher 274 personnes. En janvier de cette année, le Gouvernement a approuvé un système d’enregistrement des migrants et réfugiés sans papiers, afin de résoudre cette question. Enfin, la Thaïlande est un soutien fort du HCR et a participé à diverses campagnes sous sa conduite, a assuré sa représentante.

M. PHOLOGO GAUMAKWE (Botswana) a jugé regrettable que l’Afrique continue d’avoir à accueillir une forte proportion de réfugiés, déplacés internes et demandeurs d’asile en raison de l’instabilité et de l’insécurité qui règnent sur le continent. Il a toutefois observé que la situation n’était guère meilleure dans le reste du monde. Cette situation doit rappeler à chacun que la communauté internationale doit répondre à ce défi de manière collective. Le représentant a ainsi salué des pays comme l’Ouganda et la Jordanie, qui ont montré la voie en ouvrant leurs portes à ceux qui fuyaient les conflits.

Pour sa part, le Botswana accueille environ 3 500 réfugiés et demandeurs d’asile, a précisé le représentant. De plus, il organise avec l’aide du HCR le retour des ressortissants dont le pays n’est plus sujet aux conflits ou aux problèmes de sécurité. À cet égard, le Botswana est d’avis que les procédures de rapatriement devraient être revues de façon à réduire le délai d’exécution pour ceux qui expriment la volonté de rentrer chez eux. Pour M. Gaumakwe, une telle réforme permettrait de réduire l’anxiété de ces personnes, tout en accélérant le processus de réconciliation. Le Botswana est favorable au futur pacte mondial sur les réfugiés et à ses dispositions portant sur un partage équitable du fardeau lié à la question des réfugiés.

Mme LALA MEHDIYEVA (Azerbaïdjan) s’est déclarée préoccupée par l’ampleur du phénomène des déplacés internes dans le monde et a appelé à la création d’un pacte mondial sur les réfugiés, que le pays proposera en 2018, et qui sera présenté lors de la prochaine Assemblée générale. La représentante a également expliqué que l’Azerbaïdjan avait accueilli le plus grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays au monde et que le retour volontaire était leur option préférée.

M. OMAR KADIRI (Maroc) a constaté avec le HCR que le nombre de personnes déplacées ne cessait de croître et qu’un quart des déplacés dans le monde se trouvaient en Afrique. Le Maroc salue les pays frères d’Afrique subsahariene qui accueillent ces réfugiés et souligne la nécessité pour la communauté internationale de leur apporter une assistance pour alléger leur fardeau.

Le Maroc déplore également qu’alors que la communauté internationale cherche à aider ces populations, certains pays les instrumentalisent et politisent la question des réfugiés. Ainsi, l’Algérie refuse le recensement des populations vivant dans les camps de Tindouf, comme l’exige la communauté internationale. En plus de les instrumentaliser, l’Algérie, avec la complicité du Front Polisario, se « remplit les poches sur leur dos », en détournant l’aide humanitaire destinée à ces camps, et en imposant des taxes sur celle-ci, comme le montre un rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), a accusé le représentant, ajoutant que l’Algérie, qui parlait hier de son action en faveur des réfugiés africains, ne trompe personne avec ses « combines malhonnêtes ».

M. HAILESELASSIE SUBBA GEBRU (Éthiopie) a déploré que le budget du HCR soit sous-financé, et notamment le plan de réponse pour l’Éthiopie de cette année, qui n’est financé qu’à hauteur d’un quart. En outre, l’assistance humanitaire ne s’arrête pas avec le processus de rapatriement, a affirmé le représentant, pour qui, il faut aussi renforcer la collaboration du HCR avec les acteurs du développement. Il a enfin insisté sur l’importance de soutenir les pays les moins avancés qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés dans le monde.

Mme HELLEN MKHWEO CHIFWAILA (Zambie), qui a rappelé que les femmes et les filles représentaient la moitié des déplacés, a demandé à ce qu’elles soient mieux protégées par la Déclaration de New York et le Cadre d’action global. La Zambie est, de longue date, confrontée à la question des déplacements, qui a accueilli depuis 50 ans pas moins de 300 000 réfugiés venant d’Angola, du Mozambique, du Rwanda, du Burundi, de la Somalie et de la République démocratique du Congo, a fait observer la représentante. Par ailleurs, 57 000 nouveaux arrivants sont venus s’ajouter plus récemment, en plus de 3 360 Congolais arrivés depuis août dernier, fuyant les combats entre le Gouvernement et les groupes de miliciens. Du fait de ces afflux, la Zambie est maintenant en proie à une crise humanitaire grandissante, qui requiert une assistance urgente, a déclaré la représentante, assurant que son pays remplissait sa part.

M. ALEXANDER TEMITOPE ADEYEMI AJAYI (Nigéria) a estimé que la question des réfugiés et celle des personnes déplacées internes étaient étroitement liées, ce qui a conduit le pays à modifier ses politiques et programmes pour faciliter l’aide humanitaire dès le début du terrorisme de Boko Haram et des déplacements qu’il a provoqués dans le nord-nst du Nigéria et au niveau du lac Tchad. Le représentant a rappelé que le soutien du Nigéria à la cause des réfugiés remontait à la période qui a suivi l’indépendance, lorsque le pays avait apporté son soutien aux efforts de maintien de la paix de l’ONU au Congo, notamment en fournissant des troupes qui avaient pris part à l’effort humanitaire.

En réponse à la crise humanitaire déclenchée par l’insurrection de Boko Haram, le Nigéria a mis en place des camps pour les déplacés internes, afin d’assurer dans la dignité la subsistance de ces personnes, a poursuivi M. Ajayi, soulignant l’action menée localement par le personnel médical et les travailleurs sociaux dédiés à ces installations. Il a ajouté que, soucieux de ne laisser personne sur le bord du chemin, son pays s’employait à fournir une éducation libre et de qualité aux enfants déplacés internes. Un soutien psychosocial et psychologique est également prodigué aux écolières chibok libérées afin de faciliter leur réintégration dans la société, a-t-il encore précisé, avant de réaffirmer l’engagement de son pays à protéger les populations civiles conformément au droit international.

Mme DIZERY SALIM, de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), a rappelé l’implication de son organisation dans l’assistance aux migrants, aux réfugiés et aux déplacés internes à toutes les étapes de leur voyage. S’agissant des réfugiés, ils souhaitent tous être en mesure de se déplacer librement et avoir accès à l’emploi et à l’éducation, a-t-elle observé, demandant à ce qu’ils soient entendus et traités avec dignité. À cet égard, Mme Salim s’est félicitée du rôle joué par le HCR dans l’élaboration d’un pacte mondial qui, avec la mise en œuvre effective du Cadre d’action global pour les réfugiés, conduira en 2018 à l’adoption du plan d’action visant à rendre opérationnels les engagements pris dans la Déclaration de New York. Quand cela est nécessaire, a-t-elle précisé, nos sociétés nationales se tiennent prêtes à aider au déploiement du Cadre d’action global dans les pays pilotes, comme c’est notamment le cas en Ouganda.

Soulignant par ailleurs l’importance des acteurs locaux dans la protection et l’assistance dues aux réfugiés, Mme Salim a jugé essentiel de renforcer leurs capacités institutionnelles, par le biais d’une meilleure définition des besoins et d’un effort de financement. Établir un cadre juridique solide peut aussi renforcer le rôle de ces acteurs locaux ainsi que celui des gouvernements afin de faciliter des réponses d’urgence à grande échelle, conformément aux normes humanitaires internationales, a poursuivi la représentante, citant en exemple la crise des réfugiés au Bangladesh où, a-t-elle souligné, il est essentiel de trouver un équilibre entre la facilitation et la régulation de la réponse d’urgence à apporter.

Mme Salim a également mis l’accent sur le rôle des communautés locales dans les processus participatifs de recherche de solutions pour les réfugiés. Elle a notamment tenu à souligner la générosité des familles d’accueil, lesquelles appartiennent souvent à des groupes vulnérables. Les sociétés nationales de la Fédération s’emploient, pour leur part, à renforcer ces liens et à faire tomber les barrières, a-t-elle expliqué, ajoutant qu’un effort particulier était mené pour permettre l’intégration des enfants réfugiés dans les systèmes scolaires des pays de réinstallation.

M. MOUSSA DOLLO (Mali) a expliqué que son pays était en train de sortir de la crise de sécurité qui avait suscité un important déplacement de personnes du Mali vers le Burkina Faso, la Mauritanie et le Niger. Au plan national, le Gouvernement a élaboré un plan d’action dont la mise en œuvre est en cours, ainsi qu’une politique nationale de gestion des rapatriés. De même, il a expliqué que quatre plans régionaux d’intervention d’urgence avaient été élaborés pour les régions de Gao, Kidal, Mopti et Tombouctou. Il a enfin fait état de la plateforme tripartite mise en place avec le Burkina Faso, le Niger et la Mauritanie pour aider au retour des réfugiés maliens.

Mme KATHLEEN HAGAN, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a déploré qu’alors qu’en 1998, on s’était félicité de l’adoption des Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays, peu de progrès avaient en fait été réalisés sur cette question, même si plusieurs pays les ont intégrés dans les législations. De même, la Convention de Kampala, premier instrument juridiquement contraignant sur la protection des personnes déplacées à l’intérieur de leurs pays est, pour sa part, entrée en vigueur en 2012, et des mesures ont été prises par certains États. Et pourtant, des millions de personnes continuent de souffrir de ces déplacements, ce qui démontre la nécessité de prévenir les conflits et les déplacements forcés. Pour le CICR, cette nécessité doit être une priorité collective, et elle exige une coopération conjointe entre acteurs internationaux, locaux et les travailleurs humanitaires. À l’heure de commémorer les 20 ans des Principes directeurs, les États devraient réaffirmer leur engagement en faveur de la prévention et partager les bonnes pratiques, a conclu Mme Hagan.

Mme MUKHTAR (Soudan) a remercié le Haut-Commissaire de sa visite dans le pays, en août 2017, et a expliqué que le pays accueillait des réfugiés depuis des siècles. Le Soudan a amélioré son cadre législatif, notamment par l’adoption d’une loi sur les réfugiés ainsi que d’une loi contre la traite des personnes en 2014, a expliqué la représentante. Elle a déploré qu’aux afflux de vrais réfugiés se mêlent ceux de migrants illégaux, de contrebandiers et de passeurs. Malgré l’afflux important de personnes déplacées au Soudan, le pays leur accorde le meilleur traitement possible, a affirmé la représentante, qui a appelé à une meilleure répartition au niveau international de la charge financière que représente l’accueil des réfugiés.

M. Kintu Nyago (Ouganda) a rappelé que son pays était partie à la Convention de 1951 relative aux réfugiés et à celle de l’Organisation de l’Unité africaine de 1969. L’Ouganda a en outre réaffirmé dans sa Constitution de 1995 son attachement au droit international humanitaire. Mais les flux sans précédent de réfugiés, auxquels le pays doit faire face ces dernières années, étirent à l’excès les maigres ressources dont il dispose, a expliqué le représentant, qui a remercié les entités internationales qui ont répondu aux appels lancés par son gouvernement. Afin de répondre aux défis posés par cette situation, le Gouvernement a lancé une nouvelle approche, le « modèle ougandais », qui reste lui aussi limité par le nombre croissant de réfugiés, le manque de ressources ou les inadéquations des offres en eau, en assainissement et en infrastructures et services de base comme la santé ou l’éducation, a indiqué le représentant, ajoutant que ce modèle, à lui seul, ne saurait remplacer l’aide humanitaire conventionnelle.

Droits de réponses

Le représentant de la Fédération de Russie a rejeté les accusations de l’Ukraine, qu’il a jugées sans fondement, et a souligné que l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie étaient des États indépendants et que son pays n’en avait jamais contrôlé le territoire. Il a affirmé que c’étaient les actes « insensés » de Tbilissi qui avaient écarté les populations de ces territoires et que c’était la Géorgie qui était à l’origine des migrations forcées dans la région. Le représentant a déploré que la Géorgie ne souhaite pas signer d’accord contraignant sur le non-recours à la force, alors qu’un tel mécanisme permettrait de normaliser la situation dans la région. En ce qui concerne l’Ukraine, le représentant a affirmé que les déplacements dans le sud-est de ce pays étaient le résultat des « crimes » commis par les autorités ukrainiennes, qu’il a accusées d’être à l’origine du conflit armé dans la région. Il a déploré que l’Ukraine ne respecte pas les accords de Minsk, a affirmé que la Crimée faisait partie de la Fédération de Russie en vertu du droit international et a demandé aux autorités ukrainiennes le lever du blocus imposé au Donbass, estimant que la seule solution possible restait un cessez-le-feu fondé sur les accords de Minsk.

Réagissant à la déclaration de son « ami, frère et voisin » du Maroc, le représentant de l’Algérie a déclaré que son pays avait une longue tradition d’accueil et n’avait pas de leçons à recevoir de qui que ce soit sur ce point. Le représentant a ensuite déploré que ce soit le « bourreau qui se présente en victime ». Le Maroc « fait comme si le mal est en Algérie; le mal est au Sahara occidental », a déclaré le représentant, accusant le Maroc de s’être rendu coupable de « massacres de masse » de disparitions forcées et au nom d’une « prétendue marche verte » fait fuir les Sahraouis vers les pays voisins. Il était de la responsabilité de l’Algérie d’accueillir ce peuple frère avec lequel il partage des valeurs, a-t-il dit. Si le Maroc s’est dit être pour les droits de l’homme, pourquoi refuse-t-il donc la création d’une composante droits de l’homme au sein de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO)? a demandé le représentant, ajoutant que l’Algérie, en revanche, n’ignorait aucune résolution des Nations Unies. L’Algérie rappelle que la question du Sahara occidental est inscrite à l’ordre du jour des Nations Unies au titre des territoires non autonomes. Le représentant a également rejeté les allégations portées par le Maroc quant au détournement de l’aide humanitaire ou les entraves à l’enregistrement des réfugiés dans les camps de Tindouf, affirmant que la forte présence de travailleurs humanitaires internationaux dans ces camps démontrait que ces allégations sont fausses. Il a également déclaré que le rapport auquel le Maroc avait fait allusion n’existait pas. Il n’y a pas de rapports officiels, a-t-il lancé.

Répondant à son tour à la Fédération de Russie, le représentant de l’Ukraine a signalé qu’après l’invasion de la Crimée, la Russie avait organisé un référendum « inconstitutionnel », lequel a eu pour résultat un accord signé par un certain nombre de personnes, dont des Russes, avec le Président de la Fédération de Russie, le 18 mars 2014. Quant à la question du Donbass, le représentant a déclaré qu’un membre des forces spéciales russes avait admis à l’automne 2014 avoir tiré le premier coup de feu de la guerre. Il a déploré que les Russes, qui ont alimenté en 2014 la guerre en Ukraine, se disent aujourd’hui fiers d’aider les réfugiés venant d’Ukraine alors même qu’ils en sont la cause. « Plus de 10 000 vies ont été perdues à cause de vos actions donc vous n’avez pas le droit moral de dire que vous nous aidez », a-t-il affirmé.

La représentante de la Géorgie a répondu que la Fédération de Russie cherchait une fois de plus à détourner l’attention de la communauté internationale. Il n’y a eu aucun progrès sur le terrain, en raison de l’attitude de la Fédération de Russie et de son occupation de 20% du territoire géorgien, comme le constate la mission d’établissement des faits. Tant que cette occupation ne cessera pas, la situation des droits de l’homme dans les territoires sous occupation sera de la responsabilité de la Fédération de Russie.

Le représentant du Maroc a réaffirmé que le Sahara serait marocain « pour l’éternité », que la référence à l’occupation était erronée et déplacée et que son collègue algérien ignorait le droit international. Il a affirmé qu’on ne pouvait parler d’occupation que lorsqu’un État était occupé. Or, au moment de la récupération du Sahara, « il n’existait qu’un État indépendant et c’était le Maroc », a-t-il affirmé. Le représentant a insisté sur le fait qu’au moment de la Marche verte, 350 000 civils marocains avaient marché pour récupérer le Sahara, ajoutant que l’acharnement de l’Algérie avait été tel, qu’elle avait en guise de représailles expulsé 350 000 citoyens marocains vivant sur le territoire algérien. À ce titre, « l’Algérie devrait être présentée devant la CPI », a poursuivi le représentant, qui a insisté sur le fait que l’Algérie était partie principale au différend sur le Sahara et que c’est elle qui avait créé le Front Polisario. Il a également insisté sur le fait que tout ce que la délégation marocaine avait déclaré sur le détournement de l’aide humanitaire était consigné dans différents rapports, et notamment le rapport OLAF.

Dans un second droit de réponse, le représentant de l’Algérie a reproché à son « frère marocain » de méconnaître le droit international, car il ne connaît pas l’avis de la Cour internationale de Justice ni celui de la Cour européenne des droits de l’homme. La Marche verte a provoqué des morts et produit des réfugiés, a dit le représentant, rappelant en outre que le Sahara occidental était inscrit aux Nations Unies au titre des territoires non autonomes. Il ne s’agit rien de moins que d’une situation coloniale, a lancé le représentant, affirmant que, par le passé, bien des puissances coloniales ont juré que les territoires sous occupation ne seraient jamais libres. L’Algérie, qui n’est pas la seule délégation à s’exprimer en faveur de l’autodétermination du Sahara occidental, promet que ce territoire finira un jour ou l’autre par exercer ce droit, a dit le représentant.

Exerçant à son tour son deuxième droit de réponse, le représentant du Maroc a réaffirmé que son pays avait toujours eu la même position sur le Sahara, alors que l’Algérie tergiverse et change sans cesse de position, l’accusant en outre d’avoir créé le conflit du Sahara pour des raisons hégémoniques. Pourquoi l’Algérie ne parle-t-elle jamais du droit à l’autodétermination de la population kabyle? a-t-il demandé. Pourquoi ne s’acharne-t-elle que sur la situation du Sahara? Le représentant a estimé que l’Algérie apportait au principe d’autodétermination un soutien à géométrie variable, parce qu’elle était partie prenante au conflit du Sahara. Il a aussi accusé l’Algérie de discrimination raciale vis-à-vis des migrants subsahariens, ajoutant que le dernier rapport de l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch faisait état de telles discriminations, ainsi que d’expulsions de milliers de ressortissants d’Afrique subsaharienne. Il a enfin déclaré que l’Algérie instrumentalisait les personnes dans le camp de Tindouf et a mis au défi ce pays de laisser le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en recenser les populations.

RAPPORT DU CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME (A/72/53 ET A/72/53/ADD.1)

Déclaration liminaire, suivie d’un dialogue interactif

M. JOAQUIN ALEXANDER MAZA MARTELLI, Président du Conseil des droits de l’homme, qui a présenté son rapport, a décrit un certain nombre de situations spécifiques de pays sur lesquelles le Conseil a été se pencher cette année.

Parmi ces pays, le Myanmar a suscité une attention particulière, a relevé M. Martelli. C’est pourquoi le Conseil a décidé de créer une Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur les violations présumées des droits de l’homme par les forces militaires et de sécurité et les abus dans le pays, en particulier dans l’État de Rakhine.

M. Martelli a également mentionné l’état des droits de l’homme en Syrie, précisant que le Conseil avait décidé de tenir une réunion de haut-niveau sur les violations de droits de l’homme dans ce pays lors de sa session de mars prochain.

À propos du Soudan du Sud, le Conseil, se fondant sur les conclusions de la Commission d’enquête sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, a prorogé pour un an le mandat de cette dernière et a invité la Commission de l’Union africaine à mettre en place un tribunal indépendant hybride pour poursuivre tous les responsables des violations et abus des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans ce pays.

Au sujet de la République démocratique du Congo, le Conseil a décidé de dépêcher une équipe d’experts internationaux pour recueillir et préserver des informations sur les violations et abus présumés des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans les Kasaï. Toujours en Afrique, la Commission d’enquête sur le Burundi, créée l’année dernière, a vu elle aussi son mandat prorogé d’un an.

À propos de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), M. Martelli a rappelé la décision du Conseil des droits de l’homme de renforcer les capacités du Bureau du Haut-Commissaire aux droits de l’homme établi à Séoul en République de Corée, afin de permettre la mise en œuvre des recommandations faites par le Groupe d’experts.

Parmi les autres pays à l’examen, le Conseil des droits de l’homme a demandé au Bureau du Haut-Commissaire de continuer à évaluer les progrès dans la mise en œuvre des recommandations sur la réconciliation, la reddition de comptes et les droits de l’homme à Sri Lanka. Il lui a demandé de continuer à faire rapport sur la situation des droits de l’homme en Ukraine et en Libye, sans oublier de fournir une assistance technique à la Géorgie par le biais de son bureau à Tbilissi.

Le Bureau du Haut-Commissaire a en outre été appelé à établir un groupe d’experts régionaux et internationaux pour réfléchir aux moyens de renforcer la protection des droits de l’homme au Yémen.

Le Conseil a par ailleurs prorogé les mandats des procédures spéciales sur le Bélarus, le Cambodge, la République centrafricaine, l’Érythrée, la République islamique d’Iran, le Mali, la Somalie et le Soudan. Il a en revanche décidé de ne pas proroger les mandats des experts indépendants sur la Côte d’Ivoire et Haïti.

M. Martelli a rappelé que le Conseil des droits de l’homme avait également débattu de la contribution des droits de l’homme à la consolidation de la paix et établi une nouvelle procédure spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille.

Quant au mécanisme d’Examen périodique universel, « l’une des plus grandes réalisations du Conseil », le Président a estimé que la participation des États, « à 100% » au cours des deux premiers cycles, manifestait « une véritable célébration du principe d’universalité ». Il a aussi souligné que la participation active de la société civile et des institutions nationales des droits de l’homme représentait « un aspect vital » des travaux du Conseil car elles fournissent des informations de première main, injectent une perspective unique aux débats et attirent l’attention sur des situations urgentes.

Le Président du Conseil des droits de l’homme a rappelé que ce dernier avait adopté, cette année, plusieurs résolutions contenant des recommandations destinées à l’Assemblée générale, notamment sur les situations des droits de l’homme en République arabe syrienne, dans le Territoire palestinien occupé, en Érythrée et au Burundi, sur la tenue de réunions régionales sur l’établissement d’un forum des personnes d’ascendance africaine et sur la possibilité de tenir, en 2018, une réunion commémorative du soixante-dixième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du vingtième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne.

M. Martelli a également averti que l’écart se creusait entre le surcroît de travail du Conseil et les ressources qui lui sont allouées. Pour trouver une solution, une équipe spéciale conjointe a été mise sur pied. Sur la base de ses recommandations, le Bureau du Conseil a présenté plusieurs mesures mais aucun consensus n’a été dégagé pour l’instant, a conclu M. Martelli.

Lors du dialogue avec M. Joaquin Alexander Maza Martelli, Président du Conseil des droits de l’homme, certaines délégations ont, comme M. Martelli, déploré la charge de travail qui pèse sur le Conseil, notamment en ce qui concerne le nombre de réunions. Ainsi, l’Espagne, qui sera membre du Conseil en janvier prochain, estime qu’il faut réfléchir à réduire le seuil et le nombre de ces réunions, envisager d’autres sources de financement et améliorer les méthodes de travail du Conseil. Le Japon a exprimé le même avis quant au nombre de réunions et à la nécessité d’améliorer les conditions et les méthodes de travail du Conseil pour le rendre plus efficace, avant de demander au Président son avis sur ce point, tout comme la République de Corée.

L’Indonésie a, elle aussi, voulu en savoir davantage sur ce qui peut être mis en œuvre pour accroître l’efficacité du Conseil et la coopération avec lui. En même, temps, elle estime qu’il faut mettre fin à la sélectivité et à la politisation des questions des droits de l’homme, qui n’apportent rien. À cet égard, l’Érythrée a souhaité savoir ce que le Bureau du Président faisait pour aborder cette question de la politisation et de la sélectivité dans les affaires des droits de l’homme, ainsi que pour améliorer la transparence dans le financement des mécanismes.

Le Liechtenstein a salué les recommandations du Conseil des droits l’homme demandant au Conseil de sécurité et au Secrétaire général de renforcer leur collaboration avec les équipes d’enquête. Il a par ailleurs souhaité savoir comment le Conseil des droits de l’homme pourrait accroître sa collaboration avec les autres organes subsidiaires de l’Assemblée générale.

Le Guatemala a voulu savoir dans quelle mesure les États Membres pouvaient, depuis New York, mieux appuyer le Conseil et garantir la cohérence dans ses travaux. L’Argentine, partisante d’une bonne coordination entre Genève et New York, a déploré le refus de coopération des États avec les titulaires de mandat de procédures spéciales et les organes de traités. Elle a aussi appelé les États Membres à présenter leurs rapports périodiques, y compris ceux en retard, devant les organes de traités et à lancer des invitations permanentes aux procédures spéciales.

L’Union européenne a mis en avant l’indépendance du système des droits de l’homme et la collaboration des différents mécanismes et mandats avec la société civile. À cet égard, elle a estimé que l’Examen périodique universel engendrait des obligations pour les États vis-à-vis de la société civile. Elle a souhaité savoir quelles mesures permettraient d’améliorer le fonctionnement du système.

Les Bahamas ont souligné l’importance du Fonds d’affectation spéciale pour la participation des petits États insulaires et pays en développement aux travaux du Conseil des droits de l’homme. Elles ont demandé au Président son avis sur la manière dont cette catégorie de pays pouvait contribuer à l’amélioration de l’efficacité de l’organe.

L’Irlande a salué l’action de M. Martelli tout en estimant essentiel que les États s’engagent tous à respecter les droits de l’homme. Estimant que le Conseil s’acquitte de sa tâche avec brio, elle a aussi fait état de résultats moins encourageants, notamment en ce qui concerne la participation de la société civile. À ce sujet, elle a souhaité savoir comment les États pourraient aider au renforcement de cette participation, si importante pour des groupes comme les LGBTI.

La Norvège, qui a demandé au Président de quelle façon il pourrait rendre son mandat plus efficace, s’est toutefois félicitée que le Conseil soit autonome dans ses travaux. Elle a également estimé que la société civile devait pouvoir participer à ses travaux sans crainte de représailles. De même, le Royaume-Uni a souhaité savoir comment mieux protéger les droits de la société civile dans le contexte des droits de l’homme. Dans le même sens, l’Allemagne a estimé que les représentants de la société civile avaient un rôle clair et justifié à jouer dans les travaux des mécanismes et des mandats du Conseil des droits de l’homme. Dans ce cadre, elle a souhaité savoir comment ceux qui collaborent avec ces mandats spéciaux pouvaient être protégés d’une manière plus efficace.

Plusieurs autres délégations ont abordé la question des représailles à l’encontre des personnes qui collaborent avec les Nations Unies et notamment le Conseil des droits de l’homme et ses procédures spéciales. La Suisse, pays hôte du Conseil, a demandé au Président quelles contraintes il avait rencontrées dans ce domaine et quels mécanismes les Nations Unies pouvaient envisager pour mettre un terme aux représailles. La Lettonie s’est posée la même question. La Hongrie, qui est à l’origine de la résolution du Conseil des droits de l’homme portant sur les représailles contre les personnes qui coopèrent avec les Nations Unies, a souhaité que les délégations puissent trouver un consensus sur cette question. La République de Corée a manifesté les mêmes préoccupations, tout en mettant l’accent sur le rôle des gouvernements locaux dans la promotion et la protection des droits fondamentaux.

L’Autriche a rappelé que le Conseil des droits de l’homme avait un mandat pour prévenir les violations des droits fondamentaux. À ce titre, a-t-elle fait valoir, il a un rôle plus large à jouer dans le cadre du Programme de prévention du Secrétaire général. Elle a donc voulu savoir quelle recommandation le Président du Conseil pourrait faire à cette fin.

L’Australie a rappelé qu’en juin dernier, les membres du Conseil s’étaient engagés à mener des réformes pour s’assurer d’un fonctionnement plus efficace de cet organe subsidiaire de l’Assemblée générale. Elle a, d’autre part, remercié le Président du Conseil pour ses travaux et sa persévérance.

La Colombie a demandé à M. Martelli comment il voyait les conséquences pour les droits de l’homme de la réforme des piliers des Nations Unies. L’Afrique du Sud s’est déclarée préoccupée par les tentatives visant à réévaluer le statut du Conseil des droits de l’homme, estimant qu’un tel changement ne pourrait se faire que dans un cadre intergouvernemental. Elle a par ailleurs souligné l’importance, dans le cadre du mandat du Conseil, de l’élaboration de normes complémentaires à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et d’un cadre contraignant pour réglementer les sociétés militaires privées.

L’Iraq a demandé comment renforcer le cadre juridique pour rendre les organisations terroristes responsables de leurs actes et pour que les États puissent interagir avec le Conseil.

Dans ses réponses, M. Joaquin Alexander Maza Martelli, Président du Conseil des droits de l’homme, a jugé difficile de se prononcer sur la réforme envisagée par le Secrétaire général, disant ne pas disposer de toutes les informations. Mais il a observé que beaucoup avait été fait pour la diplomatie et le multilatéralisme au sein du Conseil des droits de l’homme, à tel point que de nombreux succès y ont été engrangés. Il a également déclaré qu’avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030, les Nations Unies disposaient déjà de l’outil adéquat pour creuser les questions de fond et répondre aux besoins les plus urgents. Tout cela met en évidence la nécessité pour le Conseil de disposer de ressources et de moyens, a-t-il fait valoir.

Alors que l’on annonce au Conseil qu’il devra se contenter de 170 réunions par an, que peut-il faire de plus, sinon réduire le temps de parole des orateurs, a déclaré M. Martelli, affirmant aussi que, lors de sa dernière session, le Conseil avait pu terminer toutes ses réunions à 18 heures, voire avant, au lieu de tenir comme précédemment des réunions de 9 heures à 21 heures. Mais le Conseil dépend de la volonté de ses États Membres, a-t-il poursuivi, estimant aussi que, si la réforme n’a pas lieu, on risque de couler. Nous sommes tous dans la même barque, a-t-il fait observer.

En ce qui concerne les représailles contre les personnes coopérant avec les Nations Unies, le Président du Conseil des droits de l’homme a déclaré qu’avant toute action, il lui fallait des informations fiables et vérifiées. Cette méthode va d’ailleurs dans le sens de la non-politisation, a-t-il fait observer, avant de demander aux États de lui apporter de telles informations fiables et vérifiées, s’ils en ont. A propos de la politisation dénoncée par de nombreuses délégations, le Président a affirmé que « le monde est politisé, c’est l’évidence et on ne peut pas l’éviter », ajoutant qu’il s’agit juste d’accompagner ce fait, tout en protégeant les droits de l’homme. En ce qui concerne la coopération entre New York et Genève, il s’est dit prêt à venir à New York aussi souvent que possible. Mais ce qu’il faut, c’est une complémentarité, a-t-il conclu.

Discussion générale

M. AMANUEL GIORGIO (Érythrée), qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Afrique, a souhaité rappeler que le mandat du Conseil des droits de l’homme devait s’appuyer sur les principes de coopération et de dialogue sincère, exempt de politisation et de sélectivité. Le Groupe des États d’Afrique est convaincu que l’Examen périodique universel constitue le pilier central du travail du Conseil en vue de l’accomplissement des obligations des États en matière de droits fondamentaux. Il juge impératif pour réaliser cet objectif que le Fonds d’affectation volontaire des Nations Unies visant à financer la mise en œuvre de l’Examen périodique universel soit doté de ressources supplémentaires, afin d’aider les États à développer leurs capacités nationales et leur expertise pour appliquer les recommandations du Conseil.

Réaffirmant l’attachement du Groupe des États d’Afrique à la Déclaration et au Programme d’action de Vienne, le représentant s’est dit encouragé par le travail du Conseil dans les domaines de la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, lesquels restent essentiels pour éradiquer l’extrême pauvreté, les inégalités et le sous-développement dans le monde. Il a toutefois souhaité que davantage soit fait par le Conseil et ses mandats en la matière. Enfin, le Groupe des États d’Afrique accorde une grande importance au dialogue constructif et à la coopération internationale aux fins d’aider les États à remplir leurs obligations, conformément au principe de solidarité consacré par la Charte des Nations Unies.

M. CHARLES WHITELEY, de l’Union européenne, a déclaré que, depuis la création du Conseil des droits de l’homme en 2006 et grâce à son mandat et ses mécanismes, des avancées avaient pu être faites en matière de droits de l’homme. Toutefois, il reste du travail, notamment en ce qui concerne la coordination de la question des droits de l’homme au sein du système des Nations Unies, y compris avec le Conseil de sécurité. Alors que la nécessité de réformer le Conseil des droits de l’homme est soulignée depuis quelques années, l’Union européenne est prête à aider à cette fin, notamment afin que le Conseil soit capable de répondre rapidement aux situations relatives aux droits de l’homme, partout dans le monde et pour une intégration et promotion de tous les droits de l’homme, a assuré le représentant.

M. Whiteley s’est également félicité des réponses apportées par le Conseil des droits de l’homme, notamment pour les crimes commis en Syrie par « le régime Assad et ses alliés », pour le Yémen, avec la mise en place d’une Commission d’enquête, les Groupes d’experts mis en place respectivement pour ces deux pays ou encore pour l’assistance technique apportée au Mali ou à la Côte d’Ivoire.

L’Union européenne, tout en félicitant les nouveaux membres du Conseil des droits de l’homme élus le mois dernier par l’Assemblée générale, leur demande d’être exemplaires, notamment sur le plan interne, mais aussi dans leur coopération avec les mécanismes des Nations Unies, même si personne n’est exempt de reproches. À ce titre, l’Union européenne appelle le Burundi, la République démocratique du Congo et le Myanmar, membres du Conseil, à pleinement coopérer avec les mécanismes créés par le Conseil.

M. JULIO CÉSAR ARRIOLA RAMÍREZ (Paraguay) a déclaré que son pays, membre du Conseil des droits de l’homme mais dont le mandat s’achève cette année, s’était efforcé d’être exemplaire. Il s’est ainsi évertué à mettre en œuvre les recommandations issues des divers organes et mécanismes des Nations Unies. Mais en la matière, le Paraguay souligne aussi la nécessité de l’assistance technique. En tant que Vice-Président du Conseil, représentant les pays du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes, le Paraguay estime aussi qu’il est primordial de ne pas polariser le Conseil et ses travaux, sans quoi les objectifs communs ne seront pas atteints. Le représentant a par ailleurs indiqué que son pays souhaitait de nouveau être membre du Conseil pour la période 2020-2022.

M. MOHAMED MOUSSA (Égypte) a déclaré que son pays, en tant que membre et Vice-Président du Conseil des droits de l’homme, entendait saluer la « maestria » avec laquelle M. Maza Martelli avait mené ses travaux, notamment en prenant en compte les intérêts des différents groupes régionaux et zones géographiques. Pour mener à bien son mandat, le Conseil doit se baser sur les principes d’objectivité et de non-sélectivité, dans le contexte d’un véritable dialogue intergouvernemental, a souligné le représentant, qui s’est dit préoccupé par les tentatives de certains pays d’imposer leurs normes et leurs valeurs, ce qui va l’encontre de la résolution de l’Assemblée générale portant création du Conseil. Il a d’autre part estimé que le Conseil devait améliorer l’esprit dans lequel il travaille et rationnaliser ses méthodes sur la base de mesures volontaires. Enfin le représentant a réaffirmé le soutien de l’Égypte au Conseil en tant qu’organe subsidiaire de l’Assemble générale.

Mme MARÍA EMMA MEJÍA VÉLEZ (Colombie) s’est félicitée de la fin du troisième cycle de l’Examen périodique universel et du début du quatrième cycle. Elle se félicite des chiffres donnés par le Président sur les taux de participation et de recommandations acceptées. La représentante a également indiqué que, grâce à l’accord de paix signé avec les FARC, la Colombie s’est résolue à la protection des droits de l’homme. Ces accords, en plus de viser la paix et la justice, ont en outre permis de créer des organes dont une sous-commission chargée des questions relatives à l’égalité entre les sexes et d’une sous-commission chargée des questions portant sur les minorités, a illustré la représentante.

Mme HAILE (Érythrée) a émis le vœu de voir le Conseil des droits de l’homme éviter de devenir un lieu de politisation, celle-là même qui a conduit à la disparition de l’ancienne commission des droits de l’homme et conformément à la résolution créant le Conseil des droits de l’homme. Malheureusement, en visant l’Érythrée par un mandat de pays, le Conseil se perd et se fourvoie, a dit la représentante. Elle a également déploré que certains pays, sous prétexte de défendre les droits de l’homme s’immiscent dans les affaires intérieures et appliquent la politique du deux poids, deux mesures, a dit la représentante.

M. JUN SAITO (Japon) a déclaré que son pays s’engageait activement dans les travaux du Conseil afin d’améliorer la promotion et la protection des droits de l’homme. Il a indiqué que le Gouvernement avait été particulièrement actif en ce qui concerne la région Asie-Pacifique, ayant été élu au sein du Conseil pour représenter cette région tout en entretenant un dialogue constructif avec les autres membres. Dans ce cadre, a-t-il dit, le Japon met un fort accent sur l’importance de l’autonomisation des femmes et sur l’égalité entre les sexes.

Face aux nombreuses violations des droits de l’homme évoquées à plusieurs reprises par l’Assemblée générale, le Japon se tient prêt à collaborer en toutes circonstances avec la communauté internationale. Alors que débute le troisième cycle de l’Examen périodique universel et que se profile l’examen des organes conventionnels en 2020, le représentant a estimé que ces organes étaient essentiels pour assurer une bonne collaboration avec le Conseil, comme le prévoit la résolution 5/1 du Conseil. Le Japon considère également que les titulaires de mandat ont un rôle important et les encourage à dialoguer avec les États Membres tout en s’acquittant de leur mandat, estimant que l’exercice de ces mandats par des parties tierces pourrait se révéler utile.

M. ALI MAAN (Iraq) a déclaré qu’après des décennies d’oppression et d’injustice, son pays s’était doté d’une Constitution qui interdit toutes formes de discrimination. L’Iraq a également adhéré à tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et présenté tous ses rapports périodiques. Mais l’Iraq est confronté au même phénomène qui a frappé New York mardi dernier, à savoir le terrorisme. Celui-ci se fonde sur la misère, la pauvreté et l’exclusion, a déclaré le représentant, précisant qu’il ne souhaitait pas ainsi justifier le terrorisme, mais donner les moyens de le combattre et de l’éradiquer. Il faut donc que certaines questions ne soient pas éludées ni politisées, a dit le représentant.

M. AMJAD QASSEM AGHA (République arabe syrienne) s’est élevé avec force contre le contenu du rapport du Conseil des droits de l’homme concernant son pays, estimant qu’il menaçait la crédibilité de ce Conseil dans le cadre du consensus international sur les droits de l’homme et de l’Examen périodique universel. Ce qui se produit aujourd’hui dénote une « certaine politisation » et ce qui a été présenté va à l’encontre du principe de développement durable, a lancé le représentant. Il y a, selon le représentant, une sélectivité dans les accusations portées contre certains pays, notamment en qui concerne la « culture des droits de l’homme » qui y prévaut. Pour le représentant, le Président du Conseil semble avoir évité la question de la guerre menée en République arabe syrienne contre le terrorisme.

La République arabe syrienne est victime de mesures imposées par certains membres du Conseil, a accusé M. Qassem Agha, estimant que le Président du Conseil des droits de l’homme aurait dû évoquer les massacres commis par la coalition internationale, notamment l’attaque qui a fait 14 morts civils le 23 octobre dernier, ainsi que les nombreuses attaques israéliennes en territoire syrien ou sur le plateau du Golan. Il aurait enfin pu faire preuve de « plus d’objectivité et de courage » en exprimant son refus des violences au Yémen, où les forces saoudiennes « détruisent des écoles et des hôpitaux », entraînant des vagues de réfugiés. Dans ce contexte, la République arabe syrienne réitère son refus de principe de toute politisation et de toute sélectivité en ce qui concerne les droits de l’homme.

M. PHOLOGO GAUMAKWE (Botswana) a déclaré que, paradoxalement, la hausse de la charge de travail du Conseil des droits de l’homme démontrait l’échec de la communauté internationale à répondre et résoudre les questions relatives aux droits de l’homme. Sans moyens supplémentaires, cette charge risque de nuire au mandat du Conseil, a estimé le représentant, qui a ajouté par ailleurs que toute tentative de réforme devait se faire dans le cadre de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale qui a créé cet organe.

Mme BROOKS (États-Unis) a observé avec satisfaction qu’au cours de l’année écoulée, le Conseil avait pu examiner des situations actuelles et anciennes, tout en étant aussi une plateforme permettant à la société civile de travailler avec les États Membres dans le cadre des procédures spéciales. Elle a en revanche regretté que la crédibilité du Conseil ait été entachée par l’élection de plusieurs États affichant un mauvais bilan en matière de droits de l’homme, à commencer par la République démocratique du Congo. Pour s’acquitter de son mandat, a insisté la représentante, le Conseil doit être renforcé et s’assurer que ses membres soient pleinement engagés dans la promotion et la protection des droits de l’homme et non dans la politisation de cet organe.

La représentante s’est cependant félicitée du fait que le Conseil ait mis l’accent sur les risques de représailles qu’encourent ceux qui collaborent avec ses titulaires de mandat de procédures spéciales, notamment les représentants de la société civile. À cet égard, Mme Brooks s’est déclarée « profondément troublée » par certaines menaces visant des représentants du Conseil et même des titulaires de mandat. Il faut protéger ceux qui défendent les droits de l’homme et la démocratie mais cela ne sera possible que si le Conseil est composé de membres plus responsables et plus soucieux du respect des droits de l’homme, a-t-elle conclu.

M. CASTILLO SANTANA (Cuba) a déclaré que le Conseil des droits de l’homme avait été créé pour remédier aux pratiques qui avaient conduit au discrédit de l’ancienne Commission des droits de l’homme. Il faut donc éviter de reproduire les erreurs du passé, a dit le représentant, qui a appelé le Conseil, ses mécanismes et les organes de traités à respecter les principes inscrits dans la Charte des Nations Unies, notamment l’objectivité, l’impartialité, la non-sélectivité et la non-politisation.

Le représentant a également estimé que les droits de l’homme seront violés tant que persistera un ordre international injuste et que seront maintenues des mesures coercitives unilatérales imposées aux pays en développement. Cuba a également déploré qu’à sa dernière session, en septembre dernier, le Conseil n’ait pas pu examiner des résolutions portant sur des questions qui font pourtant consensus au plan international, notamment le droit à l’alimentation. Cuba présentera à nouveau une résolution sur ce thème, a prévenu le représentant.

Mme KHALVANDI (République islamique d’Iran) a déploré que le potentiel de dialogue et de coopération du Conseil ne soit pas utilisé et qu’il préfère la confrontation, la sélectivité et la politisation, autant de défauts qui ont conduit à l’échec de l’ancienne Commission des droits de l’homme et que le Conseil reprend aujourd’hui. Certains pays persistent à créer et soutenir des mandats de pays, comme celui du « soi-disant Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran », alors que l’Examen périodique universel est l’outil pertinent pour ces questions, a déploré la représentante. Mme Khalvandi a également déclaré qu’il fallait lutter contre le terrorisme, y compris contre l’idéologie qui sous-tend le groupe État islamique.

M. BENARBIA (Algérie) a déclaré qu’en tant que membre fondateur du Conseil des droits de l’homme, l’Algérie appuyait « vigoureusement » son mandat d’instance principale chargée du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a cependant souhaité que cet organe essentiel reste à l’abri de la politisation. Précisant que son pays s’acquittait strictement de son obligation de rapports, le représentant a réaffirmé l’attachement de l’Algérie à l’Examen périodique universel, observant que ce mécanisme favorise les analyses neutres sur la situation dans les pays.

M. Benarbia a également souhaité que le Conseil reste saisi de la catégorie des droits économiques, sociaux et culturels, essentielle pour l’accomplissement de son mandat. Il a enfin souligné que les objectifs de développement durable ne pourraient être atteints sans mettre en place les mécanismes appropriés en matière de partage du fardeau de l’extrême pauvreté, de renforcement des capacités des États et de mise en œuvre des programmes de développement.

M. ALEXANDER TEMITOPE ADEYEMI AJAYI (Nigéria), membre réélu du Conseil des droits de l’homme, a assuré de la volonté de son pays de renforcer les droits de l’homme au plan national et de mettre en œuvre les recommandations issues de l’Examen périodique universel. En témoigne notamment l’établissement d’un bureau des droits de l’homme dans les forces armées, afin de s’assurer qu’elles respectent les droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a dit le représentant.

M. HASBUN (El Salvador) a salué l’action de M. Maza Martelli à la tête du Conseil des droits de l’homme en rappelant qu’il était lui aussi ressortissant d’El Salvador. Le représentant a par ailleurs indiqué que les droits de l’homme constituaient une « politique d’État » pour le Gouvernement salvadorien, lequel est partie à la plupart des mécanismes internationaux en la matière. Au plan intérieur, a-t-il noté, des efforts particuliers ont été effectués pour renforcer le cadre juridique et la législation antidiscrimination. De plus, le pays a réformé son Code de la famille afin d’interdire le mariage des enfants et s’emploie à protéger les droits fondamentaux des femmes et des filles migrantes, a ajouté M. Hasbun, pour qui ces mesures sont indispensables pour parvenir au développement durable.

Même si le Conseil est un organe subsidiaire de l’Assemblée générale, il dispose de compétences propres, comme en atteste la diversité des thèmes et des résolutions sur lesquels il travaille, a fait observer le représentant. Son importance est encore accrue par le fait que l’ensemble des États Membres participent à l’Examen périodique universel et aux travaux des procédures spéciales, a-t-il ajouté, appelant au respect de ces procédures, qui « sous-tendent » le mandat du Conseil.

Mme GINTERE (Lettonie) a déclaré que son pays, qui a été membre pour la première fois du Conseil des droits de l’homme ces trois dernières années et en a occupé une vice-présidence, considère les procédures spéciales comme un outil indispensable pour la mise en œuvre des droits de l’homme. Même si la délégation se félicite qu’en 10 ans d’existence, le nombre d’invitations lancées aux procédures spéciales a presque doublé, atteignant le chiffre de 119 cette année, elle reste préoccupée par le manque de coopération dont elles bénéficient. En tant que membre d’un groupe de pays soutenant l’universalité des invitations, la Lettonie appelle tous les pays à inviter les titulaires de mandat. Par ailleurs, la Lettonie estime qu’au lieu de critiquer la charge de travail croissante du Conseil, les États Membres devraient l’aider.

M. MAYANK JOSHI (Inde) a observé que, si le Conseil a réussi à dépasser les écueils qui ont conduit l’ancienne Commission des droits de l’homme à sa perte, beaucoup reste encore à faire. Mais en réalité les tensions viennent des différences d’appréciation entre les États Membres sur certaines questions comme sur le droit au développement, a dit le représentant, qui a appelé au dialogue sur ce thème. L’Inde constate aussi des zones d’ombre quant au respect par les procédures spéciales de leur Code de conduite ou encore quant à leurs sources de financement. Alors que l’Inde s’engage en faveur du renforcement du Conseil, elle estime aussi que tous les droits de l’homme doivent être promus à égalité.

M. IHOR YAREMENKO (Ukraine) s’est dit ravi de constater que le Conseil des droits de l’homme avait prouvé sa capacité de répondre rapidement à des cas de violations des droits de l’homme en créant de nouveaux mandats de commission d’enquête ou d’experts indépendants. Il a souhaité que le Conseil puisse également agir rapidement sur les situations « émergentes », avant qu’elles ne donnent lieu à des atrocités, voire à un génocide. Affirmant par ailleurs soutenir le processus de l’Examen périodique universel, le représentant s’est prononcé pour un renforcement des groupes dans ce cadre, à la condition que les travaux soient menés en toute transparence, objectivité et non-sélectivité. À ses yeux, il est aussi indispensable que les évaluations menées dans le cadre des procédures spéciales soient transparentes et équitables.

Le représentant s’est par ailleurs félicité que le dialogue sur la situation en Ukraine revienne à chaque session du Conseil, ce qui permet à l’Assemblée générale d’être informée, notamment grâce à la collecte de données sur la péninsule de Crimée. Pour M. Yaremenko, le premier rapport soumis au Conseil sur la situation en Crimée et dans la ville de Sébastopol était « très équilibré ». Jugeant qu’il est à présent temps que des porteurs de mandat du Conseil se rendent sur le terrain, il a rappelé que la résolution 71/205 de l’Assemblée générale faisait obligation aux puissances occupantes de permettre l’accès au territoire considéré à tous les titulaires de mandat.

M. YAO SHAOJUN (Chine) a déploré que la politisation et la sélectivité aient conduit à une crispation au sein du Conseil des droits de l’homme. Il a aussi accusé les titulaires de mandat de procédures spéciales de ne pas respecter ceux-ci et de faire des commentaires irresponsables sur certains pays. En outre, la charge de travail du Conseil, manifestée par l’explosion du nombre de ses séances, fait peser un discrédit sur lui, a estimé le représentant. Enfin, il s’en est pris aux organisations non gouvernementales qui prennent prétexte de leur statut consultatif auprès du Conseil économique et social (ECOSOC) pour mener « des attaques perfides » contre des États souverains lors des sessions du Conseil des droits de l’homme.

Mme MAJDOLINE MOUFLIH (Maroc) a estimé qu’au lendemain du dixième anniversaire de sa création, le Conseil des droits de l’homme s’était imposé comme l’organe onusien principal en matière de protection des droits de l’homme. Son « très novateur » Examen périodique universel a démontré que l’universalité reste un critère essentiel pour le traitement de ces questions, a souligné la représentante, jugeant d’autre part que les procédures spéciales du Conseil jouent un rôle indispensable pour aider les États à progresser et leur fournir une expertise en matière de droits fondamentaux.

Pour Mme Mouflih, la communauté internationale devrait par ailleurs aplanir les difficultés persistantes que rencontre le Conseil dans la mise en œuvre effective de son mandat. En effet, a-t-elle souligné, l’importance croissante des droits de l’homme dans les relations internationales nécessite un conseil à la fois actif et plus visible. Or, force est de constater que sa présence dans les médias est « rare et imprécise », a poursuivi la représentante, appelant le Conseil à adopter une politique d’information digne de ce nom. Elle a enfin jugé « inconcevable » que le Conseil soit saisi de plus de 100 résolutions par an, en plus du traitement des procédures spéciales. C’est pourquoi, des efforts doivent être fournis pour alléger sa charge de travail, tout en veillant à l’objectivité de son action, a-t-elle conclu.

Droit de réponse

Dans l’exercice de son droit de réponse, le représentant de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) a rejeté les allégations portées contre elle par l’Union européenne. La RPDC rejette avec la même force la résolution adoptée à son encontre au Conseil des droits de l’homme, en raison, dans les deux cas, de leur sélectivité et de leur politisation. Au lieu de se pencher sur la situation des droits de l’homme dans d’autres pays, l’Union européenne ferait mieux de balayer devant sa porte, a déclaré le représentant, appelant le Conseil des droits de l’homme à ne pas servir les intérêts de pays qui s’immiscent dans les affaires intérieures des autres.